Elle a créé le cabinet MMT avocats, un cabinet d’affaires spécialisé en droit numérique et des nouvelles technologies. Elle figure dans le classement 500 personnalités « african doers ». Nous vous invitons à la découvrir à travers notre conversation…

ODQ : Maître MAZAND, pouvez vous vous présenter?

Je suis Karine Mazand Mboumba Tchitoula, avocate aux barreaux de Paris et Madrid. J’exerce cette profession depuis 10 ans et j’ai fondé il y a 3 ans mon propre cabinet. En dehors de mon travail, je suis passionnée par la lecture, le numérique.
Je suis une grande curieuse qui adore l’origine des choses et creuser des sillons. J’aime les choses simples.
Je suis mariée, maman, mentor et une sœur en or (mes sœurs ne veulent pas l’admettre publiquement alors j’en profite pour le leur rappeler.).

ODQ : En quoi consiste concrètement votre métier et qui est votre client potentiel ?

J’ai démarré ma carrière d’avocate d’affaires internationales avec une intense activité contentieuse. Je plaidais régulièrement au tribunal pour assister ou défendre des entreprises dans des litiges internationaux. C’est généralement cette activité devant les tribunaux qui est connue. Mais cette profession a un versant mal connu qui est celui de conseil.
Dans mon cabinet de niche en droit numérique et des technologies innovantes, j’ai endossé cette facette d’avocat-conseil de manière très assumée.

J’accompagne mes clients sur la stratégie juridique, la protection des données, la propriété intellectuelle, les audits et mise en conformité de sites web et applications mobiles, vente de fonds de commerce électronique, internationalisation vers et de l’Afrique…

Il y a donc beaucoup de conseils au sens de consultation, réponse aux questions, d’analyse, de brainstorming, de stratégie, de connexion, de mise en relation, mais il y a aussi de la rédaction de contrats ou actes divers.

Je travaille essentiellement avec des techs entrepreneurs : qui sont pour la plupart des start-ups technologiques, des créateurs de plateformes d’intermédiation, des cybercommerçants, des courtiers en vente de fonds commerce électronique et des développeurs.

ODQ : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre entreprise ?

Un déclic ! Après des études et un début de carrière en Espagne, j’ai rencontré des difficultés d’intégration dans la profession en France. J’avais pris la décision au bout de quelques années compliquées de ne plus exercer, de « raccrocher la robe » comme on dit.

Un an après cette décision, la naissance de mon fils m’a révélé une perte de sens. Je ne me sentais pas à ma place. J’essayais d’entrer dans un moule et de renoncer à mes rêves d’enfant pour ne plus avoir à lutter dans un environnement que je percevais comme hostile.

En allant voir une coach RH pour trouver un poste de juriste en entreprise, la tête dans le brouillard, résignée à simplement trouver un travail qui corresponde à mes études… J’en suis ressortie prête, déterminée en l’entendant prononcer ces mots : « Vous devez reprendre votre place ! »

Ça a été mon déclic. J’ai ouvert mon cabinet quelques mois plus tard le temps de finir les démarches administratives. Je dis toujours pour rire que j’ai dû prendre cette décision sous l’effet des hormones post-grossesse, car c’était un saut dans le vide.

Aujourdhui, j’ y  repense avec circonspection en y voyant une petite folie qui m’a permis de réaliser un rêve de fac que je n’entrevoyais pas avant 2022.

ODQ : Etait-ce difficile de devenir entrepreneur dans ce domaine est particulier ?

Ce n’était pas facile. On nous forme pour devenir des avocats, des opérationnels, pour la vocation, pour le sacerdoce, pas pour devenir des entrepreneurs.

La gestion de cabinet n’est pas au programme, on apprend généralement sur le tas, en étant collaborateur, en s’inspirant ici et là ou en ayant un mentor.
Heureusement ça tend à changer. Depuis 2 ans, je participe avec d’autres avocats au Lab de l’école de formation du Barreau de Paris où en tant que jury et mentors nous formons les élèves-avocats aux réalités actuelles de la profession face au numérique, mais aussi à la compréhension du marché du droit.

Je n’ai pas eu la chance de l’apprendre à l’école, mais j’ai désormais la chance de l’apprendre en le faisant. J’ai appliqué le dicton, « commence où tu es, avec ce que tu as » et je n’ai jamais autant appris qu’en étant face à mon inexpérience. Je suis résolument une avocate entrepreneure.

Était-ce difficile de devenir entrepreneur tout simplement ?

Je ne dirais pas difficile en soi. J’avais un feu qui brûlait en moi et qui demandait à s’exprimer. J’ignorais à quel point, j’étais entrepreneure avant d’entrer de plain-pied dans cette voie. Ce qui est intéressant avec devenir, c’est que c’est un processus, un cheminement qui n’est jamais fini.

D’ailleurs, je trouve dans le poème Ithaque une métaphore impressionnante de ce qu’est pour moi l’entrepreneuriat. Devenir entrepreneur, c’est entamer un voyage vers un objectif. Et, si en arrivant au bout de cet objectif, il n’est pas aussi excitant que nous l’avions espéré, inutile de penser que l’aventure a été vaine. Car sans ce but, nous ne nous serions pas mis en marche pour découvrir tout ce que nous avons appris en cours de route, pour découvrir à quel point les accomplissements intermédiaires du voyage nous ont enrichi.

Devenir entrepreneur, c’est vivre son voyage vers quelque part qui nous tient à cœur en savourant les détails du parcours. Alors pour moi qui adore meubler mon monde intérieur, c’est agréable, mais ce n’est pas toujours facile. Parfois, on se fatigue et on perd l’enthousiasme. On a un grand besoin d’accomplissement et l’anticipation crée du découragement. Ce poème est mon ancre, il me rappelle de savourer le chemin en souhaitant « que la route soit longue. »

ODQ : Quels ont été vos plus grands défis à relever d’autant plus que vous êtes une Africaine qui s’en sort plutôt bien ?

L’organisation. J’ai commencé la profession dans un cabinet déjà organisé, avec des secrétaires, des assistants, des gérants, je n’avais à me concentrer que sur mon cœur de métier. Là, je devais tout créer en partant de zéro, porter toutes les casquettes, mettre en place des process, gérer et tout porter. Pas simple quand on n’avait pas vraiment conscience de l’ampleur de la tâche. Mais ça a été une chance qui m’a permis de penser comment j’avais vraiment envie de travailler. J’y vais à mon rythme, mes process, mes offres évoluent et mon équipe aussi… Rien n’est figé et c’est ça qui me motive.

ODQ : Quels enseignements en avez-vous tiré ?

Que pour grandir, il faut se faire accompagner et que dans chaque entreprise il y a quelque chose d’organique, une part de nous qui fait grandir notre entreprise en fonction de nous.

Parfois, nos blocages internes se reflètent dans les blocages de notre entreprise et passer un cap permet de mieux avancer. On a beau être un expert dans son domaine, on ne peut pas être maître de tout.

Il est important d’avoir un mentor, un binôme, ou quelqu’un qui nous aide à prendre du recul sur les écueils, nous challenge, nous donne un feed-back sincère pour ne pas nous reposer sur nos lauriers.

ODQ : Quelles ont été vos erreurs ?

Le syndrome de l’objet brillant. Cette tendance à courir après quelque chose de nouveau : un projet, un outil, un but, plutôt que de rester concentrée sur ce qu’on fait déjà.

Tester des outils en tout genre au point de plomber ma trésorerie a été une grande erreur de débutant et un bel apprentissage qui m’a permis de savourer le plaisir de faire différemment, d’être plus stratégique et surtout d’apprendre à faire simple et bien avec pas-grand-chose.

Ne pas savoir déléguer par perfectionnisme, par peur que les autres ne fassent pas comme nous l’aurions fait. J’ai appris depuis à lâcher prise et faire confiance à d’autres possibilités.

Essayer de tout savoir sur tout d’avance. En tant qu’avocat, on nous prête un rôle de sachant qui ne nous apporte que du stress. J’ai lâché ce rôle pour travailler en collaboration, en co-création, en optimisant mes zones de génie et en m’adaptant à chaque nouveau projet. En étant vraie et en phase avec mes clients, c’est OK.

ODQ : Quelles ont été vos plus belles réussites ?

D’avoir créé un cabinet qui me ressemble et est en phase avec une de mes valeurs profondes : Ubuntu (« Je suis parce que nous sommes. ») où grâce au legal design l’humain est au centre.

J’ai créé un cabinet nomade, qui s’adapte à mon rythme de vie, qui vit de ma créativité et de mon désir d’innovation, mais qui prend en compte les autres.

Je prends plaisir à réinventer la manière dont je souhaite exercer. J’invente mes outils, je les crée, les co-crée et je forme d’autres juristes pour qu’ils osent faire comme ils sentent pour être créatifs, agiles dans un domaine perçu comme rigide…

Une autre réussite a été cette belle croissance en pleine crise sanitaire qui m’a permis notamment de construire une équipe.

ODQ : En 2019, votre entreprise a été classée parmi les 25 meilleurs cabinets d’avocats de la zone OHADA, et parmi les 50 en 2020 par le magazine LEX4. Pour cette même année, tu as été classé parmi les 500 personnalités « african Doers », quel est le secret derrière cette performance?

Je ne saurais pas répondre à cette question. Je trouve mon entreprise encore jeune et ne me projetais pas dans ces classements. Je suis donc toujours surprise, mais c’est agréable de savoir que le « tu ne sais jamais qui regarde » se vérifie. Je fais ce que j’ai à faire, si cela est récompensé, c’est avec plaisir. Alors je le reçois toujours avec une pleine gratitude.

ODQ : L’entrepreneuriat est devenu une véritable option en termes de choix de vie. Quel conseil donneriez-vous à un porteur de projet ?

D’envisager l’entrepreneuriat comme un marathon et non comme un sprint pour forger son caractère. Car, avoir du caractère, c’est avoir la capacité d’aller au bout d’une résolution même quand l’excitation et l’enthousiasme des débuts ont disparus.

Je l’encouragerais aussi à passer à l’action, même si tout n’est pas encore au niveau : « Il vaut mieux une action imparfaite qu’une parfaite inaction » et ne jamais cesser d’apprendre pour s’améliorer.

https://www.mmt-avocats.fr

Linkedin: Karine Mazand-Mboumba

Facebook : Karine Mazand Mboumba Tchitoula

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